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Intégration du genre dans l’observation indépendante : Penser le changement ou changer le pansement ?

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Francis Blanche, Acteur Français disait ‘’Il vaut mieux penser le changement que changer le pansement’’. C’est le sens que les organisations de la société civile (OSC) engagées dans l’observation indépendante externe (OIE) à travers le système normalisé d’observation indépendante externe (SNOIE) ont voulu donner à l’atelier d’évaluation de la place du genre dans l’observation indépendante (OI) au Cameroun. Cet atelier organisé le 05 mars 2020 dans les locaux de FODER à Yaoundé avait pour objectif de permettre aux organisations mettant en œuvre le SNOIE de s’autoévaluer sur leur niveau de prise en compte du genre dans cette activité importante pour l’amélioration de la gouvernance. Il s’agissait spécifiquement de faire le bilan de la prise en compte du genre dans l’observation indépendante externe (OIE) par ces OSC et d’identifier les leviers pour une transformation concrète et durable en faveur de l’égalité de genre dans l’observation indépendante.

D’une cécité de genre à une sensibilité de genre graduelle dans l’OIE

Les expériences de prise en compte du genre dans l’OIE par les OSC mettant en œuvre le SNOIE sont diverses et riches. Elles vont de la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes au niveau organisationnel et communautaire à la prise en compte des groupes défavorisés notamment les femmes, les populations autochtones et les communautés locales dépendantes des forêts dans l’OI.  Pour ces différentes organisations notamment ECODEV, PAPEL, CeDLA, FODER et OFERA  la prise en compte du genre dans l’OIE est matérialisée aussi bien par l’implication des hommes et des femmes des communautés locales et peuples autochtones dans les différentes étapes de l’OIE (transmission des alertes, préparation et réalisation de la mission, information sur les effets induits)  que par la prise en compte de leurs droits dans le suivi indépendant des forêts y compris le suivi des impacts de l’intégration du genre dans l’OIE. A titre d’exemple, les alertes de présomptions d’exploitation forestière illégale sont fournies aux organisations sus indiquées tant par les femmes que par les hommes. Par ailleurs, les missions d’OIE sont accompagnées aussi bien par les hommes que par les femmes qui par leur maitrise de la forêt apportent un appui aux équipes d’OI pour la documentation efficace et efficiente des indices d’illégalités présumées. Aucune spécificité de genre n’est négligée par ces organisations.

La prise en compte du genre dans l’OIE s’inscrit pour l’ensemble de ces organisations dans une stratégie pensée et cohérente. A la faveur de la mise en œuvre du projet « Voix des citoyens pour le changement : observation forestière dans le bassin du Congo » (Projet CV4C), les organisations de la société civile (OSC) au Cameroun ont bénéficié des renforcements de capacités pour la prise en compte du genre dans la gouvernance forestière, l’élaboration de projet et les thématiques associées ainsi que le développement des politiques/stratégies organisationnelles genre. Il en a résulté une meilleure prise en compte du genre au niveau organisationnel et opérationnel pour ces différentes organisations. Aussi, les équipes d’OI sont constituées d’hommes et de femmes aux expertises variés et complémentaires. A titre d’exemple, les équipes d’OI de certaines organisations sont constituées à plus de 50% de femmes. Par ailleurs les fonctions décisionnelles en matière d’OI sont assurées aussi bien par les femmes que les hommes. De même, les incidences des activités illégales sont évaluées aussi bien pour les hommes que pour les femmes des communautés riveraines.

Les contraintes à la prise en compte du genre dans l’OIE au Cameroun 

La prise en compte optimale du genre dans l’OI demeure contrainte par de nombreux défis qu’il convient de lever. L’un des plus grands obstacles à l’intégration du genre dans l’OI est la cécité du cadre légal et réglementaire de la gestion forestière en matière de genre. Les dispositions légales réprimant les infractions forestières restent neutres quant à l’incrimination des faits infractionnels ayant un impact sur les conditions d’existence des hommes et des femmes dépendant(e)s des ressources forestières. Il en résulte pour les OI la difficulté, dans l’analyse des faits et les dénonciations qui en résultent, d’invoquer les atteintes aux intérêts de ces groupes comme moyen pour justifier d’une attention spécifique des autorités compétentes sur le traitement genre sensibles des illégalités forestières.

Cette situation entraine ipso facto la neutralité de certains outils clé du SNOIE. Par exemple, les livrables des activités d’OI étant généralement des rapports accompagnés de lettres de dénonciation, l’absence des dispositions de la législation forestière réprimant spécifiquement les violations des droits et intérêts des communautés locales et autochtones dépendantes des forêts ou encore les impacts des pratiques illégales sur lesdits droits et intérêts remet en cause  les demandes ou recommandations des OI allant dans ce sens. L’approche de réalisation d’analyses thématiques sur le genre dans le secteur forestier au Cameroun et le plaidoyer pour la prise en compte du genre dans les pratiques et processus décisionnels en lien aux forêts restant les options complémentaires pratiques retenues.

Un engagement multi acteurs nécessaire pour Penser le changement pour le rendre durable

« Tout change et nous devons vivre avec notre temps » disait Seydou Badian dans son ouvrage intitulé Sous-l’orage. C’est dire que le changement est une réalité accessible à tout le monde. Encore faut-il oser l’opérer. C’est le pari que se sont fixées les organisations mettant le SNOIE résolues et engagées à adopter une approche systémique et holistique pour adresser durablement les lacunes de la prise en compte du genre dans la gestion forestières en général et dans l’OI plus spécifiquement. Aussi volontaires et déterminées qu’elles soient, ces organisations ne saurait y parvenir seules ; au risque que leurs stratégies et actions de changement bien pensées ne paraissent en définitive que comme un pansement mis sur une plaie pour la protéger, l’empêcher de s’infecter et bien évidemment ne produisent que des effets limités. A cet effet, les politiques et décisions coordonnées et volontaristes de la part des différents acteurs mais surtout des pouvoirs publics inscrivant l’approche genre dans une perspective globale et intégrée seraient plus efficaces et durables. C’est dans cette optique que les organisations mettant en œuvre le SNOIE recommandent :

Au Gouvernement du Cameroun : a) de s’inspirer des expériences de certains pays du Bassin du Congo pour prendre des textes spécifiques favorisant la protection des droits des femmes et des peuples autochtones dans la gestion des ressources naturelles en général et forestière plus spécifiquement ; b) d’appliquer les dispositions des Directives de la Commission des forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) relatives à la participation des populations locales et autochtones et des ONG à la gestion durable des forêts d’Afrique Centrale (notamment son Principe 6) et à l’Accord Sous régional sur le contrôle forestier.

Aux organisations d’OI d’innover dans les livrables des activités d’OI pour surmonter l’obstacle du silence des textes sur la répression des infractions forestières ayant un impact sur les droits et intérêts des groupes vulnérables dépendants des forêts et la réparation des atteintes auxdits droits dans le contentieux forestier globalement mais surtout dans le partage des bénéfices des recettes forestières issues du contrôle forestier telles que les ventes aux enchères publiques de bois (VEP) et les amendes transactionnelles. Par Laurence Wete Soh qui est chef de projet et défenseure de l’environnement et des droits de l’homme à FODER (Forêts et Développement Rural), une organisation de la société civile (OSC) de droit camerounais. FODER est engagée dans la promotion de la bonne gouvernance des ressources naturelles, la protection de l’environnement et de la biodiversité, la promotion et le soutien à l’entrepreneuriat rural.

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