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L’entreprise minière METALLICON SA condamnée pour activités dangereuses et homicide involontaire d’un enfant de 12 ans mort par noyade dans un puits minier ouvert et abandonné dans un site d’exploitation semi-mécanisée à Batouri, région de l’Est Cameroun.

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Quatre (04) ans après la mort par noyade du petit SAMBA Sosthène (âgé de 12 ans), dans un trou ouvert et abandonné après exploitation dans un site minier de l’entreprise METALICON SA de nationalité grecque, le Tribunal de Première instance de Batouri (région de l’Est), a finalement reconnu coupable l’entreprise minière d’homicide involontaire. Cette sentence a été prononcée le 25 Août 2020, à la suite d’une longue procédure judiciaire intentée par la famille, avec l’appui de l’association Forêts et Développement Rural, dans le cadre de la mise en œuvre du Projet Mines-Environnement-Santé et Société (ProMESS). Le Tribunal de Première Instance (TPI) de Batouri statuant par défaut à l’égard des prévenus et contradictoirement à l’égard des parties civiles a également déclaré la société METALLICON SA et représentants coupables d’activités dangereuses et homicide involontaire. En répression METALICON SA est condamné à verser une amende de 500.000 FCFA. Et, aux ayants-droits, précisément la famille du défunt SAMBA l’entreprise minière devra payer des dommages et intérêts, fixés à 2.140.939 Fcfa. Bien que ces dommages et intérêts soient très faibles par rapport au préjudice causé, on peut néanmoins saluer cette décision de justice qui donne une lueur d’espoir aux communautés minières fréquemment victimes des abus des exploitants miniers.

Ce jugement salué balise le chemin dans un secteur où les trafics d’influence, les abus de pouvoir et violations de toute sortes font loi. Un constat en effet, le flou qui émaille le secteur minier au Cameroun joue malheureusement en défaveur des procédures dont les efforts fournis par les acteurs du système judiciaire n’avancent pas conséquemment et constituent de véritables obstacles au dénouement des affaires pendantes. Les jeux de pouvoir et d’intérêts dénient encore aux communautés riveraines les droits que leur reconnait la loi. Dans ce contexte, le verdict rendu dans l’affaire SAMBA donne l’espoir d’une amélioration dans la prise en compte des droits des riverains des sites miniers.

Rétrospective

Le jour le plus sombre de la famille SAMBA, a été sans aucun doute le dimanche 03 Septembre 2017. En effet, alors que la rentrée scolaire 2017-2018 se pointait à l’horizon, la famille est restée plongée dans un deuil aujourd’hui « difficile à effacer », selon le père de Samba. Ce jour, le petit SAMBA Sosthène, revenant du champ là où il était allé aider sa maman pour des travaux, à la traversée de la rivière Diengou qui draine la ville de Batouri et ses environs un faux pas l’entraîna inévitablement dans les eaux lugubres d’un trou ouvert pour exploiter de l’or et abandonné par la société METALLICON SA. Englué dans la boue du trou de 15 mètres de profondeur, SAMBA Sosthène impuissant va finalement perdre la vie par noyade. A la suite du drame, la famille va saisir les autorités afin que les responsables puissent être identifiés et répondre de leurs actes.

Informé du drame, le Ministre en charge des mines de l’époque, Ernest GWABOUBOU avait pris la décision de suspendre l’entreprise pour une durée de six (06) mois pour non-restauration des espaces détruits par son activité conformément aux clauses du cahier de charge qui stipulent la fermeture de tous les trous après toute activité minière. Choqués et très affectés par le décès de leur enfant, les membres de la famille Samba (ayant-droits) décideront de saisir les autorités judiciaires de Batouri, avec l’accompagnement et l’appui de FODER dans le cadre du Projet Mines-Environnement-Santé & Société (ProMESS). Ceci, afin que METALLICON SA, soit officiellement reconnue coupable et condamnée pour ses méfaits. Hormis, la non-fermeture des trous ayant entrainé la mort du petit Samba, l’entreprise fait l’objet de nombreuses dénonciations de la part des riverains de ses activités dans la localité de Batouri, de destruction de plusieurs champs et autres biens sans compensation.

La procédure judiciaire : un périple long

Les services d’un cabinet conseil ont été requis par FODER pour accompagner la famille dans cette procédure et c’est non sans difficulté que le 29 Mai 2018, l’information judiciaire s’ouvre. S’engage alors une longue procédure qui va durer deux (02) longues années. L’information judiciaire a donné lieu à une descente sur les lieux du drame le 27 Juin 2018. En Octobre 2018, le juge d’instruction avouera le caractère complexe de la procédure dans la mesure où il ne parvient pas localiser pour leur inculpation, les mis en cause notamment la Société qui entre temps a fermé ses portes ou encore moins ses représentants légaux. Ce n’est qu’en Décembre 2019 que l’affaire a été appelée en audience pour la première fois et s’en est suivi une série de renvois et enfin la condamnation de l’entreprise METALLICON SA, le 25 Août 2020.

L’impérieuse nécessité de sanctionner les responsables de la non-réhabilitation des sites

Au sein de FODER, SAMBA Sosthène, était devenue une victime de trop. D’ailleurs, il est devenu pour l’organisation l’une des figures pour le plaidoyer que nous menons pour exiger la réhabilitation des sites miniers. Son cas a été médiatisé et repris par d’autres organismes et médias internationaux. Il est loin d’être l’unique victime de la non-restauration des sites miniers. En effet, c’est quasi-quotidiennement que des cas de noyade, d’éboulement et autres incidents sont recensés dans les localités minières riveraines des sites d’exploitation de l’or, laissant de nombreuses familles éplorées ou appauvries lorsque ce sont des bétails qui s’y enlisent. De 2017 à 2020, l’association Forêts et Développement (FODER), a pu recenser 141 Personnes mortes dans les chantiers miniers ouverts et abandonnés. Parmi les morts, des enfants comme SAMBA Sosthène.

L’urgence est donc à l’action des autorités compétentes tant administratives que judiciaires afin que ces trous de la mort, véritables « tombeaux » soient automatiquement refermés par toute entreprise qui a mené ou mène des activités d’exploitation minière, se faisant beaucoup d’argent au détriment des droits des communautés et même des caisses de l’Etat. L’article 136 du code minier de 2016 dispose que la restauration, la réhabilitation et la fermeture des sites miniers et de carrières incombent à chaque opérateur. Nonobstant les questions relatives au décret d’application, cette disposition détermine clairement la responsabilité de ceux qui sont chargés de réparer les dégâts et dommages que causent leurs activités aussi bien sur l’environnement que sur les hommes et entre en droite ligne avec le principe non moins primordial du pollueur-payeur.

FODER recommande pour faire justice à ces familles souvent très démunies et incapables de supporter des frais de justice, que les autorités judiciaires « s’auto saisissent » de ces cas, en utilisant les informations mises à disposition par les organisations de la société civile telles que FODER, les médias de tous ordres, les leaders de communautés ou d’opinions dans leurs dénonciations, pour déclencher des poursuites contre les auteurs de ces méfaits. Cette saisie automatique permettrait de punir pénalement les entreprises coupables de multiples vies perdues et du non-respect de leurs obligations légales et contractuelles (cahier de charge) mais aussi par ce biais, de les obliger à s’acquitter du ‘’lourd passif’’ qu’elles laissent derrière elles après qu’elles se soient remplies les caisses. Le rôle du pouvoir judiciaire pourrait être prépondérant dans le plaidoyer que mène aujourd’hui la société civile en faveur de la restauration des trous abandonnés par les exploitants miniers. Car, condamner systématiquement les entreprises coupables de non-réhabilitation des sites exploités les pousseraient certainement à refermer ces trous de la mort avant leur départ…

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