La charge invisible des effets du changement climatique sur les femmes : entre survie et résilience

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Les femmes rurales ne sont pas seulement des actrices du développement local, elles en sont les « architectes ». Dans les zones rurales du Cameroun, elles se retrouvent en première ligne face aux effets du changement climatique et aux grands projets de développement ou d’exploitation des ressources naturelles, minières ou forestières. Leur rôle social, essentiel mais souvent peu valorisé, devient un fardeau écrasant lorsque les ressources naturelles se raréfient du fait de ces changements climatiques et des projets dits de développement.

💧 Une charge physique et émotionnelle qui s’alourdit et les femmes s’adaptent

La raréfaction de l’eau potable, des terres cultivables, des produits forestiers non ligneux (PFNL) et du bois de chauffe oblige les femmes à parcourir des distances de plus en plus longues pour assurer les besoins de base de leur ménage. Ces trajets, souvent isolés, les exposent à divers dangers (serpents, insectes…), y compris, dans certaines localités, à des risques accrus de violences sexuelles. Selon l’organisation WoMin, les femmes sont particulièrement vulnérables sur les chemins de collecte de ressources, en raison de l’isolement et de l’absence de protection dans les zones d’exploitation.

Au Cameroun, les femmes représentent 80 % de la main-d’œuvre agricole familiale. Or, les perturbations climatiques ont entraîné une baisse des rendements, une insécurité alimentaire croissante et une instabilité des revenus. Cela accentue leur charge mentale et physique, tout en réduisant leur autonomie économique.

🌱 Résilience et stratégies locales

Les femmes de la communauté d’Oboul 1 (Abong Bang, Est Cameroun) et d’Akom 2 (Sud Cameroun) ont aujourd’hui de plus en plus de mal à accéder aux PFNL, en raison des activités d’exploitation forestière qui détruisent les arbres sources de collecte. Par ailleurs, le rendement des cultures baisse au fil des années du fait de la diminution de la fertilité des sols.

Pour faire face à ces contraintes, elles recourent à des pratiques agroécologiques ou à la cartographie participative pour sécuriser les espaces où elles exercent leurs usages, et ainsi informer les processus de planification. Les femmes d’Akom 2, par exemple, ont transmis à l’administration en charge des forêts et de la faune des cartes permettant de visualiser les espaces qu’elles utilisent, afin que ceux-ci soient pris en compte dans le processus d’attribution des titres d’exploitation forestière.

Carte présentant la localisation des sites de collecte de produits forestiers non ligneux

🦟 Maladies telle que le paludisme : une menace silencieuse pour les femmes enceintes

Le changement climatique crée des conditions de plus en plus favorables à la prolifération des vecteurs de maladies, surtout dans les zones humides et mal drainées, y compris dans la zone septentrionale. On y observe également une recrudescence des maladies hydriques.

Au cours de la dernière décennie par exemple, la prévalence du paludisme chez les femmes au Cameroun a montré des variations, avec des tendances inquiétantes observées dans certaines régions. L’Institut National de la Statistique du Cameroun (INS) a signalé une augmentation de la prévalence parasitaire du paludisme chez les femmes enceintes, atteignant 49 % dans la Région du Centre, 46 % dans la Région du Sud, et 41 % dans la Région de l’Est[1].  En 2023, la prévalence du paludisme chez les femmes enceintes au Cameroun était estimée à 21 %, avec environ 203 cas pour 1 000 femmes (INS). Cette maladie augmente significativement le risque d’anémie, de fausse couche et de mortalité maternelle[2].

Les femmes des sites d’exploitation minière artisanale sont encore plus exposées. En saison des pluies, les trous miniers se transforment en réservoirs d’eau insalubre, propices à la reproduction des moustiques et à la prolifération de germes responsables de maladies hydriques. Ces femmes, dépourvues de ressources suffisantes, ne peuvent gérer efficacement les risques liés à cette activité.

Il faut noter que les femmes, souvent responsables des soins aux malades, subissent une double peine : elles veillent sur leurs proches tout en étant elles-mêmes très exposées. Cette situation affecte leur santé physique et mentale, leur bien-être psychologique et leur capacité à remplir leur rôle social et familial.

Femmes minières de Oum Yari (Banyo, Adamaoua)

Il fait noter que, les femmes, souvent responsables des soins aux malades, subissent une double peine. En effet, ce sont les femmes qui veillent les proches souffrant de maladie tout en étant elles-mêmes très exposées. Cette situation influence leur santé physique et même mentale, leur bien-être psychologique et leur capacité à remplir leur rôle social et familial.

Des solutions locales existent, mais restent peu explorées et mises en échelle

Face à ces défis, les femmes s’adaptent en adoptant des comportements plus résilients. Des pratiques d’adaptation aux CC ont été explorées par l’association Forêts et Développement Rural (FODER)[3], dans le cadre d’accompagnement/Appui communautaire. Ces solutions, qui méritent d’être vulgarisées et mises à l’échelle, peuvent contribuer à alléger la charge des femmes :

  • Agroécologie : améliore la fertilité des sols, réduit la dépendance aux intrants chimiques, favorise la promotion des semences paysannes, valorise les savoirs traditionnels et contribue à sécuriser les rendements.
  • Structuration des femmes en organisations paysannes, avec la mise en place des systèmes d’épargne et de crédit telle les associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC) qui permettent de renforcer la solidarité et l’entraide entre les femmes ainsi que les apprentissages mutuels.
  • Foyers améliorés et charbon écologique : réduisent la consommation de bois, réduisent les émissions nocives et facilitent la cuisson.
  • Sensibilisation communautaire : renforce les capacités locales à prévenir les maladies, à adopter des comportements plus résilients et à protéger les femmes dans l’accomplissement de leur rôle social.
  • Restauration des espaces dégradés : permet de créer un environnement propice à la régénération de la biodiversité, de freiner l’érosion, d’améliorer à long terme le niveau d’accès aux ressources.
  • Amélioration/Facilitation de l’accès des communautés et des femmes aux besoins fondamentaux de bases : Ces besoins sont souvent interconnectés. Par exemple, l’accès à la terre pour les femmes va contribuer à la sécurité alimentaire de leur communauté. En tenant compte des enjeux de développement durable, d’égalité des genres et de résilience communautaire nous pouvons relever les besoins qui suivent.

Aussi, il est impératif que les politiques climatiques et de développement intègrent une approche genre sensible et communautaire.

Investir dans les femmes, c’est investir dans la résilience des territoires. C’est construire un avenir où le développement ne se fait pas au détriment des plus vulnérables, mais avec elles, pour elles, et grâce à elles.

De la nécessité d’actions stratégiques et structurelles inclusives et adaptées

Des actions ponctuelles et localisées de résilience ne sauraient suffire sans des mesures stratégiques et structurelles inclusives, portées par les pouvoirs publics et les acteurs du développement.

Les solutions existantes nécessitent des ressources techniques, logistiques et matérielles adaptées : outils agricoles, formations, infrastructures de santé, et surtout une volonté politique de reconnaître le rôle central des femmes dans la résilience climatique.

Les femmes ne sont pas des victimes passives : elles sont des actrices de changement, des gardiennes de la biodiversité, des innovatrices silencieuses. Mais sans protection ni moyens, leur potentiel reste sous-exploité, leur voix peu entendue et leur contribution insuffisamment valorisée.

Bibliographie

https://ins-cameroun.cm/wp-content/uploads/2025/07/01_FaibleReduction_FRE.pdf

https://ins-cameroun.cm/wp-content/uploads/2025/07/01_FaibleReduction_FRE.pdf

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[1] https://ins-cameroun.cm/wp-content/uploads/2025/07/01_FaibleReduction_FRE.pdf

[2] scisimple.com

[3] https://forest4dev.org/

Par Christiane ZEBAZE

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