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Quand la résilience s’écrit au féminin dans la région du Nord Cameroun …

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La rudesse du climat soudano-sahélien est une évidence. Les effets de ce climat sur les populations notamment les groupes vulnérables l’est également. Outre les risques agronomiques et d’insécurité alimentaire qu’induit ce climat, les effets du patriarcat, où l’homme incarne à la fois le supérieur et l’universel, tendent à renforcer l’exclusion et la vulnérabilité des femmes.  Pourtant, bravant la dureté du climat, de l’environnement physique, des stéréotypes et autres préjugés de genre, les femmes de la région du Nord telles des capitaines de navire, debout contre vents et marées,  travaillent à l’amélioration de leurs conditions de vie ainsi qu’à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des leurs.  En plus du rôle reproductif qui leur est traditionnellement assigné à savoir les travaux domestiques, le soin des enfants, l’alimentation des enfants, etc.,  les femmes de la région du Nord parviennent progressivement à force d’endurance et d’innovation à mener des activités productives et même communautaires.

Véritables entrepreneures rurales elles apportent une valeur ajoutée considérable à l’économie familiale et locale à travers leurs activités informelles dont l’agriculture, la collecte, la transformation et la commercialisation des produits forestiers non ligneux (PFNL) et leurs dérivés, le petit commerce, etc. Leur dynamisme et leur créativité contribuent à réduire voire à anticiper la dureté des périodes de « soudure »  dans leur famille. La « soudure » est la période comprise entre la fin de la consommation des réserves de la récolte de l’année précédente et de la récolte suivante.  En effet pour faire face au défi de la nutrition de leur famille pendant cette période, qui correspond généralement aussi à la période des rentrées scolaires, les femmes mettent en place une diversité de mesures. Celles – ci vont de la pratiques d’activités complémentaires à l’agriculture à savoir le petit commerce à l’entraide associative en passant par le recours au grenier familial pour les plus prévenantes. Bien plus les revenus générés par les femmes ont contribué dans certains villages à la réalisation des projets communautaires tels que la construction des puits et l’assistance aux nécessiteux et aux personnes vulnérables.

Puits réalisé par les femmes de Na’ari (Arrondissement de Lagdo, département de la Bénoué), © FODER, Juillet 2021

Pourtant …

Le faible accès et le faible contrôle des femmes sur les ressources, limitent l’efficacité et la durabilité de leur contribution non négligeable au développement rural et au bien-être de leur famille. Bien qu’entreprenantes, plusieurs femmes de la région du Nord peinent à être financièrement autonomes du fait des pesanteurs socio-culturelles marquées par le contrôle des hommes sur les activités et les revenus des femmes au sein de certaines communautés. Dans ces communautés, « les femmes travaillent pour leurs maris » qu’elles accompagnent dans leurs travaux  agricoles sans qu’il leur soit « prêtée » une petite parcelle de terre pour leurs propres besoins ou qu’elles soient prises en compte dans le partage des bénéfices des activités du couple. Bien plus les décisions sur la gestion des revenus des activités économiques des femmes sont prises par les hommes. Cette situation contraint fortement la sécurité alimentaire et nutritionnelle au sein des familles ainsi que le bien-être et l’éducation des enfants dans ces communautés.

En effet, les mauvaises décisions managériales et la désinvolture de certains chefs de famille tendent à enfermer leur ménage dans une sorte de cercle vicieux de l’insécurité alimentaire renforcé par la perte de fertilité des sols et les variabilités du climat. En effet pour se nourrir pendant les périodes de carence ou période de « soudure », plusieurs ménages sont obligés d’avoir recours aux « crédits alimentaires » à des taux prohibitifs. Ces pratiques hypothèquent les réserves alimentaires des ménages avant même qu’elles ne soient constituées parce que les femmes ne sont pas généralement associées à la prise de décision sur la gestion des ressources de la famille.

Par ailleurs le faible accès des femmes aux terres et leur faible contrôle de cette ressource et des autres facteurs de production contraignent leur autonomisation et leur contribution à la sécurité alimentaire de leurs familles. Si le conflit droit coutumier – droit positif et la forte pression foncière dans la région du Nord renforcent l’insécurité foncière des ruraux, ces facteurs sont vécus avec plus d’acuité par les femmes à qui il n’est coutumièrement pas reconnu le droit de posséder encore moins de contrôler la terre. Les terres pour les activités agricoles sont soit « prêtées » aux femmes par leur conjoint soit temporairement acquise par louage auprès des « propriétaires fonciers » de fait. Ne pouvant hériter les « femmes célibataires ne peuvent cultiver de champs pour leur propre compte à moins qu’elle ait les moyens d’en louer » nous diront les femmes d’une communauté riveraine du parc national de la Bénoué.

Une des étapes de la transformation artisanale du karité par les femmes de Mapto, , © FODER, avril 2021

L’apport du projet EcoNorCam

Développé et mis en œuvre suivant une approche sensible au genre, le projet « Ecosystème Nord : vers une approche de gestion intégrée du paysage » (EcoNorcam) mis en œuvre avec le soutien financier de l’Union Européenne entend articuler les besoins pratiques des femmes avec leurs intérêts stratégiques. Ceci passera par la satisfaction à court terme des besoins pratiques prioritaires exprimés par les femmes pendant l’étude de référence du projet et à travailler à la satisfaction à long terme de leurs intérêts stratégiques. Les actions porteront entre autres sur la sensibilisation et la recherche du soutien des hommes et des femmes ainsi que le renforcement des capacités des patries prenantes et le plaidoyer pour la réduction des situations d’inégalité de genre. L’objectif étant de contribuer à ce qu’au-delà de l’accès, les femmes puissent également participer au contrôle et à la gestion des terres et des revenus d’une part et que le travail des femmes soit mieux valorisé dans les communautés et au niveau local d’autre part. Un plan d’action genre sera élaboré dans ce sens et mis en œuvre de manière participative en prenant en compte les besoins des différents groupes de bénéficiaires.

Cet article est rédigé et publié dans le cadre du projet « Ecosystème Nord : vers une approche de gestion intégrée du paysage » (EcoNorcam)

Par Laurence WETE SOH

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