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Défis du suivi indépendant des activités forestières menées par les OSC, face aux besoins réels des acteurs du RBUE et de la CITES.

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Une grande partie du bois et des produits du bois produit illégalement au Cameroun se retrouve sur les marchés lucratifs d’Europe et ailleurs. En réponse à cette crise, l’Union européenne (UE) a promulgué une loi qui interdit la vente de bois illégal, c’est le Règlement Bois de l’Union Européenne (RBUE). Le RBUE entré en vigueur en 2013, interdit aux opérateurs de mettre du bois récolté illégalement sur les marchés de l’UE. La mise en œuvre du RBUE repose sur un processus de diligence raisonnable exigeant des opérateurs qu’ils évaluent le risque de bois illégal dans la chaîne d’approvisionnement et prennent des mesures pour atténuer les risques identifiés. Le processus repose sur des informations sur le produit ligneux, le pays de récolte et les fournisseurs.

Bien qu’elle ait eu un certain impact, jusqu’à présent, cette loi n’a pas réussi à juguler les importations de bois de source illégale. Le manque d’efficacité de cette loi tiendrait au fait que malgré l’abondance d’informations sur l’exploitation illégale des forêts dans les pays exportateurs, les informations ainsi que des preuves insuffisantes remontent vers les organismes chargés de faire appliquer cette loi, ou alors les informations ne sont pas présentées de manière à faciliter leurs exploitations et leurs usages. Par ailleurs la contribution des sources indépendantes d’information, notamment les OSC et les communautés, est reconnue comme déterminante dans le renseignement des acteurs de mise en œuvre du RBUE. Il est de même des organes de gestion de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) car les permis d’exportation/ d’importation CITES ne peuvent être délivrés qu’à condition que le bois ait été obtenu légalement « Essences de l’annexe 2 » et si l’exportation ne nuit pas à la survie de l’espèce « Essences de l’annexe 3 ». Ces essences bénéficient donc d’une plus grande protection et surveillance mais font fréquemment l’objet d’importante exploitation illégale.

Le Système normalisé d’observation indépendante externe (SNOIE), mis en œuvre au Cameroun depuis 2015, est une approche de suivi indépendant des forêts par les OSC. Cette approche, basée sur les exigences de la norme ISO a été développée par un groupe d’organisation de la société civile Camerounaise sous la conduite de Forêts et Développement Rural (FODER) et en collaboration avec les administrations compétentes et d’autres parties prenantes du secteur forestier. Le SNOIE (certifié ISO 9001 : 2015 en 2018 suite aux audits à blanc et de certification) contribue efficacement à fournir de manière méthodique des informations fiables et crédibles sur la manière dont les législations applicables au secteur forestier sont suivies sur le terrain. Afin de rendre plus efficace la contribution des communautés dans la lutte contre l’exploitation illégale des forêts, ForestLINK une technologie développée par Rainforest Foundation UK (RFUK) et déployée au Cameroun par FODER permet de collecter et de transmettre des informations sur les activités forestières présumées illégales quasiment en temps réel, grâce à l’utilisation des outils de collecte, de traitement et de diffusion des données de qualité. Ainsi, les informations issues du système de suivi en temps réel dans le cadre de la mise en œuvre du SNOIE ont pour rôle de déclencher les processus du SNOIE dans un délai raisonnable. Le ForestLink est déployé au Cameroun dans le cadre du projet du projet « Suivi communautaire en Temps Réel en appui aux processus FLEGT (Community-based Real Time forest Monitoring – RTM, en anglais) » (projet RTM), et puis du projet « Intégrer le suivi communautaire des forêts en temps réel pour maintenir les moyens de subsistance et les forêts en Afrique Centrale et de l’Ouest », avec le soutien du Département britannique pour le développement international (DfID).

Malgré le fait que les résultats du suivi indépendant réalisé par les OSC et les communautés dans le cadre du SNOIE soient assez satisfaisants au niveau national – car les administrations publiques compétentes notamment le MINFOF trouvent en l’approche du SNOIE, un mécanisme crédible de production d’informations fiables issues de l’OI -, l’on relève cependant un faible niveau d’exploitation des informations ainsi produites, par les acteurs du RBUE et des organes de gestion CITES. Situation confirmée par Brad Muller, spécialiste en observation indépendante externe (OI) avec Resource Extraction Monitoring (REM) lorsqu’il relève[1] que l’application des données d’OI à la diligence raisonnable du RBUE n’est pas toujours cohérente, pour deux raisons principales. 1) la plupart des rapports d’OI ont tendance à soutenir les allégations d’activités illégales avec des preuves « sur le terrain» telles que : des photos de souches d’arbres non marquées ou des témoignages de membres de la communauté locale. Malheureusement, ces types d’observations ne sont pas facilement applicables à la diligence raisonnable du RBUE parce que le risque est évalué principalement par l’évaluation des documents de légalité. 2) la complexité de certains rapports, puisque de nombreux rapports d’OI contiennent une multitude de données qui peuvent être applicables au RBUE, mais leur navigation peut être assez difficile. Cela est particulièrement vrai lorsque certains opérateurs dissimulent des activités illicites à travers des complicités complexes impliquant un réseau d’acteurs et de documents illicites. Certains rapports, peuvent faire plus de 30 pages et comprennent plusieurs documents numérisés provenant de différentes structures de gouvernance, des analyses complexes des lacunes et des vides juridiques, des tableaux, des chiffres et des commentaires du secteur privé et/ou du gouvernement pour étayer une observation d’activité illicite. Il n’est pas étonnant que les rapports d’OI, en particulier ceux de haute qualité technique, soient souvent difficiles à interpréter et à appliquer à la diligence raisonnable pour les acteurs du RBUE.

Or ces acteurs ont de plus en plus besoin des informations qui soient effectivement applicables au RBUE dans le cadre de la mise en œuvre de la diligence raisonnée, mais également qui puisent permettre aux Organes de gestion de la CITES d’assurer une meilleure mise en œuvre des mécanismes CITES. Pour répondre à cette attente, une bonne compréhension et analyse des besoins réels en informations issues de l’OI auprès des acteurs du RBUE et de la CITES doit nécessairement être pris en compte dans les différentes approches d’OI y compris l’approche du SNOIE.   

Heureusement et grâce au soutien du programme FAO EU FLEGT dans le cadre du projet « suivi indépendant des chaines d’approvisionnement de bois et d’amplification des informations issus de l’OI (projet Relai OI) » mis en œuvre par FIODER, quelques acteurs du RBUE et de la CITES en Europe ont été rencontrés, et des échanges avec eux ont permis d’identifier et de caractériser leurs besoins en informations issues de l’OI, pour une meilleure application de la diligence raisonnée et des  exigences de la CITES. Toutes les essences sollicitées par le marché Européenne et ouvertes à l’exploitation sont d’un grand intérêt pour les acteurs du RBUE. Les parties de la Chaîne d’approvisionnement en bois (CAB) sollicitées varient d’un acteur à l’autre, certains sont intéressés uniquement aux données collectées sur le site d’exploitation (ATIBT) car selon le directeur de l’ATIBT M Benoit JOBBE-DUVAL « C’est au niveau du site d’exploitation que se génère l’illégalité la plus douloureuse ». Par contre d’autres acteurs sont favorables aux informations faciles d’accès et appuyées par des preuves, sur chacun des morceaux de la chaine d’approvisionnement (attribution des titres, récolte du bois, transport, transformation, exportation). Toutefois, on relève que le suivi est plus facile lorsque les informations fournies n’intègrent pas à la fois tous les maillons de la chaine d’approvisionnement (NEPCON). Il est également à noter que l’Autorité Compétente RBUE Belge, NEPCON et le commerce du Bois ont fait allusion à l’OTP comme autre moyen de communiquer les informations en plus de la transmission par Email des rapports d’OI et leur synthèse. Le besoin d’une OI transparente et ouverte aux entreprises pour améliorer leur pratique a fait l’objet d’un intérêt particulier par les membres de DG DEVCO de la commission Européenne. Et, à ce niveau, l’on a pu noter que le SNOIE intègre bel et bien les concessions forestières dans son approche à travers la rencontre de certains opérateurs pendant les missions de terrain, leur participation au Comité d’évaluation  Technique et Ethique (CTE)  des rapports, la participation des grands groupes de syndicats des opérateurs forestiers du Cameroun (GFBC, STIEFPS, GAFC) aux réunions multipartites organisées conformément aux principes de management de la qualité de la norme ISO 9001 auquel s’adosse le SNOIE.

Le Défis pour les OSC menant l’Observation et le suivi indépendants des activités forestières est de pouvoir adapter et réorienter leurs activités d’OI pour répondre dans la mesure du possible, à ces nouveaux besoins. Dans cette perspective, le vrai challenge reste et demeure l’accès aux documents étant donné que les vérificateurs de la légalité au sens de l’AVP-FLEGT sont essentiellement documentaires. Or les Observateurs Indépendants au Cameroun ne sont pas mandatés, malgré que, certains ont des approches qui leur permettent de fonctionner en collaboration avec le gouvernement (l’approche du SNOIE). Et il est généralement admis qu’ils ne peuvent facilement accéder à la plupart des documents. Les documents de certaines sociétés seulement peuvent être retrouvés dans l’Atlas forestier interactif produit par WRI en collaboration avec le MINFOF, notamment les arrêtés d’attributions, les notifications de démarrage d’activité, les plans d’aménagement, les attestations de matérialisation des superficies etc. Or ces documents restent insuffisants et incomplets pour mener une analyse globale sur les différents maillons de la chaîne d’approvisionnement de bois, et fournir des informations efficaces pour le RBUE et les OG CITES. Pour pallier à cette difficulté, il serait nécessaire que l’administration compétente, c’est-à-dire le MINFOF facilite non seulement l’accès à toutes les informations conformément à l’annexe 7 de l’APV du Cameroun sur les informations rendues publiques, mais aussi garantie la collaboration entre les Observateurs Indépendants et ses services déconcentrés. Etant donné que les rapports produits par les Observateurs Indépendants sont en priorité transmis aux administrations compétentes qui peuvent les utiliser pour faire appliquer les lois et améliorer la gouvernance dans le secteur forestier. Les acteurs du RBUE et les OG CITES au niveau de l’Europe peuvent également entrer en contact direct avec les administrations des pays producteurs de bois pour obtenir des documents complémentaires ou des compléments d’information nécessaires à une bonne analyse des risques.  

Par Angeline MODJO KAMDEM, Chef de projet à Forêts et Developpement Rural (FODER)

Ce travail est réalisé dans le cadre du Projet de suivi indépendant des chaînes d’approvisionnement en bois et d’amplification des informations issues de l’observation indépendante des forêts (Relai-OI), ce projet est mené avec l’appui financier du programme FAO-UE-FLEGT, mais le contenu de cet article ne reflète que l’opinion de l’association Forêts et Développement Rural (FODER).


[1] https://news.mongabay.com/2020/03/new-evidence-suggests-ivorian-timber-merits-tougher-eutr-due-diligence-commentary/

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